AROMU - association romande de médecine d'urgence
Newsletter avril 2020
Spécial COVID-19
Chers collègues et amis urgentistes,

Nous vivons actuellement une situation exceptionnelle qui restera sans nul doute gravée dans nos mémoires. La crise du COVID-19 nous impacte tous fortement, avec son lot d’interrogations, d’adaptations et d’incertitudes. Bien que nos services soient relativement épargnés, en particulier en comparaison avec certains de nos voisins européens, l’accueil des patients, le tri et l’identification des cas potentiels, ainsi que la prise en charge initiale aux urgences ont été déterminants pour la fonctionnalité et la sécurité des hôpitaux.

Nous vous proposons à cet effet une newsletter «spécial COVID-19» pour faire le point et partager nos expériences !

Au nom du comité de l’AROMU, je vous adresse mes plus sincères remerciements et compliments pour votre travail.

Petit rappel des événements et premiers enseignements

Le premier cas est signalé en Chine le 31 décembre 2019. Durant les premières semaines de janvier, la situation concerne certaines provinces chinoises et en particulier la ville de Wuhan. Des premiers cas sont signalés mi-janvier en Thaïlande, au Japon, puis en Australie.

Avec l’annonce de cas en France, puis en Allemagne, le risque de voir arriver des cas importés (retours de vacances, touristes, étudiants) devient réel dans les services d’urgences. Ce risque est accru dans les cantons latins, avec des foyers épidémiques dans des régions limitrophes. Début février, 5 personnes sont ainsi hospitalisées en Haute-Savoie et dès la mi-février, l’épidémie progresse rapidement dans le Nord de l’Italie. Le premier cas de Covid-19 est annoncé au Tessin le 25 février.

Durant cette première phase de l’épidémie, la stratégie mise en place dans les services d’urgences vise à éviter le développement d’une épidémie sur le territoire Suisse. Elle s’appuie sur l’identification systématique des cas potentiels, dès leur arrivée, sur la base de critères cliniques et épidémiologiques. Les patients suspects sont pris en charge dans des circuits parallèles, distincts des autres consultations d’urgence, et isolés dans des unités dédiées. Une enquête d’entourage et/ou des mesures de quarantaine sont appliquées en cas de confirmation.

A ce stade, le nombre de cas reste limité et n’a que peu d’impact sur les capacités hospitalières. L’objectif prioritaire est alors d’éviter la transmission à d’autres patients ou à des collaborateurs. Une des principales difficultés réside dans la mise à jour en temps réel des zones considérées à risque, évoluant rapidement avec la dissémination du virus.
Pour comparer les stratégies nationales: COVID-19 Health System Response Monitor

Les problématiques portent principalement sur l’implémentation des tests diagnostiques (frottis nasopharyngés), la mise en place des circuits parallèles, l’isolement des cas suspects ou confirmés, et les mesures de protection pour les collaborateurs.

Sur le plan clinique, cette période coïncide avec la phase descendante de l’épidémie saisonnière de grippe, avec une présentation clinique identique, voire dans certains cas des co-infections. De manière intéressante, le port du masque par les équipes médico-soignantes, dans le cadre de l’épidémie de grippe saisonnière, a pu être dans ce contexte un élément protecteur favorable. La fin de la saison de grippe nous a par ailleurs évité une gestion simultanée de deux épidémies qui aurait pu être désastreuse pour nos patients.

Le 6 mars, la situation passe en stade épidémique en Suisse. La Confédération instaure des mesures de confinement et d’éloignement social et des recommandations sont émises afin de protéger les plus vulnérables. A ce stade, le nombre de cas suspects augmente rapidement, en lien avec les critères de fragilité définis par l’OFSP et avec l’apparition de cas parmi les collaborateurs. Les stratégies mises en place pour répondre à cette problématique s’appuient sur l’augmentation des capacités diagnostiques et le développement de structures dédiées au dépistage, généralement hors des services d’urgences.

Cette nouvelle étape est illustrée par l’application de mesures exceptionnelles, visant à garantir une capacité d’accueil et d’hospitalisation : structure de pilotage de crise dédiée, coordination cantonale, réduction de l’activité clinique non urgente, suspension des vacances, redistribution du personnel entre services. L’augmentation de capacité d’hospitalisation vise à favoriser un aval pour absorber les fluctuations de l’activité des services d’urgences et à maitriser un éventuel afflux de patients.

Selon l’organisation des réseaux hospitaliers, le cohortage des cas et l’identification d’hôpitaux spécifiquement destinés à accueillir les patients Covid-19 a permis de réorganiser les flux et de préserver certains services pour l’accueil des autres patients.

L’identification des cas Covid-19 reste basée avant tout sur des éléments cliniques et sur le résultat des frottis nasopharyngés. Néanmoins, l’ultrasonographie pulmonaire a également montré son intérêt pour la stratification du risque et l’identification des patients suspects: CHUV - Echographie pulmonaire et COVID-19

Sur le plan des ressources, une attention particulière est portée à la gestion du personnel, en anticipant des réserves, permettant de palier tant à des absences pour maladie qu’à des augmentations importantes de l’activité. La mise en place de plans de continuité, l’identification des fonctions clés, et la planification du personnel permettant d’assurer des remplacements et des mises en repos participent à cette gestion de crise. Des mesures dégradées sont anticipées afin de préserver au maximum les activités cliniques : modification du skill-mix dans les équipes, réduction du ratio collaborateurs/patients, renfort par du personnel externe, retour au travail plus rapide en cas d’infection pauci-symptomatique, etc.

Au niveau logistique, l’identification très précoce de surfaces architecturales permettant d’étendre les soins intensifs et les services d’urgences, est capitale. Enfin, en raison du profil des patients Covid-19, une attention particulière doit être portée aux ressources en oxygène, aux capacités d’évaluation (radiologie, laboratoire) et au matériel de protection personnel (masque, gants, blouse, etc.).

Dès avril, la situation est marquée par une augmentation du nombre de cas Covid suspects ou confirmés, nécessitant une hospitalisation, et par une montée en puissance des services de soins aigus avec une extension des lits de médecine interne. Le profil des patients évolue, avec une prédominance de pathologies respiratoires. Plusieurs situations illustrent par ailleurs le caractère peu symptomatique du Covid-19 chez les personnes âgées, favorisant une utilisation plus large des tests diagnostiques, par exemple en cas d’état confusionnel non expliqué par le bilan usuel. Un risque accru d’événements thromboemboliques est également observé chez les patients Covid. On note en parallèle une nette réduction de l’activité usuelle (le «Covid Paradox»), en lien avec les appréhensions de la population (peur d’être infecté, crainte de « déranger » les urgences) et les mesures de confinement (réduction des activités professionnelles et sportives, des réunions à caractères festifs, etc.).
BMJ 2020;369:m1401 : Covid-19: A&E visits in England fall by 25% in week after lockdown

Cette réduction de l’activité de base n’est pas sans susciter des interrogations sur les semaines et mois à venir, avec pour les urgences, le risque de voir arriver une « seconde vague ». Ce risque de voir une aggravation de pathologie cardiaques, pulmonaires, neurologiques, métaboliques ou rénales dans un second temps est partagé par les médecins de premier recours. Par ailleurs, les mesures de confinement pourrait favoriser la survenue de violences conjugales, maltraitances, abus de substances ou décompensations psychiatriques.

Et aujourd'hui ?

L’activité des services d’urgences redémarre progressivement. Les patients non-COVID sont de retour et redeviennent majoritaires. La question des flux parallèles, du dépistage de plus en plus large des patients, ou de l’engorgement lié à cette seconde vague et à la reprise simultanée de l’activité hospitalière sont au 1er plan !

L’évolution de la situation dépendra de la reprise coordonnée des activités hospitalières, des consultations par les médecins de premiers recours, et de l’impact de l’allègement progressif des mesures de confinement au cours des prochaines semaines.

Il est vraisemblable que le nombre de patients COVID va se réduire progressivement, mais ils resteront un enjeu durant plusieurs mois encore dans nos services d’urgences.

Pour un état des lieux actualisé: corona-data.ch

Qu'avons-nous appris ?

S’il est sans doute trop tôt pour faire un bilan de la crise, quelques points méritent néanmoins d’être relevés.

Le premier constat, important et rassurant, est la solidité de nos institutions, le formidable soutien dont ont bénéficiés les services de soins aigus (soins intensifs, urgences) et l’extraordinaire engagement de nos équipes.

Le second enseignement est l’effet sur les flux aux urgences d’une diminution de l’amont (réduction des admissions), associée à une disponibilité inédite de places d’hospitalisation. Nos durées de séjour n’ont sans doute jamais été aussi brèves ! Différentes mesures ont joué en notre faveur: diminution des urgences usuelles; coordination et régulation renforcée en amont (ex : maintien de patients à domicile ou en EMS); capacités hospitalières exceptionnelles; prise en charge relativement simple des cas COVID + facilitant des DMS courtes.

Sur le plan des équipes, la créativité, la flexibilité et la générosité de tous ont été exemplaires. On peut relever également le faible nombre de malades au sein de nos équipes, ce qui a permis de nous rassurer vis-à-vis de ce nouveau virus. Sur le plan technique enfin, la crise du COVID a permis de tester en conditions réelles des solutions de télémédecine, qui ouvrent des perspectives pour la régulation et l’évaluation futures des patients.

En raison de la situation et des mesures de distanciation sociale, plusieurs manifestations ont été annulées ou différées

Est annulé :

  • Congré SSMUS, 18-19 juin 2020

Sont différés :

  • Congrès URGENCES 2020, prévu en juin 2020 est déplacé au 15-16-17 octobre 2020
  • Journée Romande de Médecine d’Urgence, prévue le 28 mai 2020 à Genève, est déplacée au 27 mai 2021.

Sont à ce jour maintenus :

  • 19 novembre 2020 : Répétitoire de médecine d’urgence, CHUV, Lausanne.
  • 26 novembre 2020 : Journée Romande de Médecine d’Urgence, Hôpital du Valais, Sion.

Programme des colloques et ateliers de formation

Reprise des colloques probablement en juin !
Renseignement sur aromu.ch

La Revue Médicale Suisse

a dédié un numéro thématique au Covid-19, avec deux articles sur les urgences rédigés par le CHUV et les HUG :

Revue Médicale Suisse No 691-2

Prochaine Assemblée Générale de l’AROMU

En raison de l’annulation de la JRMU de mai, la prochaine Assemblée Générale de notre association se déroulera en automne, lors de la JRMU à Sion. Dans l’intervalle, les membres du comité poursuivront leurs activités et sont à disposition.
Au nom du comité AROMU :
Pierre-Nicolas Carron, président

Vice-présidents : Vincent Ribordy, François Sarasin
Secrétaire général : Vincent Della Santa
Trésorier : Yvan Fournier
Membre du comité : Florence Selz, Philippe Dussoix, Sven Steinbronn
Soutien éditorial : Laurent Suppan
Email Marketing Powered by MailPoet